Nouvelle - "Nocturne"
Voici donc la première nouvelle que je poste ici. Un petit texte qui me tient à cœur, même si sur les forums sur lesquels je l'ai posté, j'ai eu un mal fou à avoir des commentaires. C'est bien le souci avec les textes par rapport aux dessins...il faut des lustres pour avoir des commentaires et souvent, ça pinaille sur des détails.
Ou alors ça ne dit rien du tout, trop long, trop chiant...les dessineux ont plus de chance de ce côté là. Même si cela reste bancale, ils auront toujours des réponses. Que ce soit en bien ou en mal d'ailleurs. Comment voulez-vous savoir dans ce cas si ce que vous écrivez c'est de la merde finie ou quelque chose de potable ? après faut pas s'étonner que les blogs explosent, faut bien aller chercher les gens par la main pour qu'ils osent venir nous voir ;)
Bon allez, sur ces remarques acerbes, je vous souhaite une bonne lecture ^^ (Attention tout de même, c'est un peu long, installez-vous confortablement)
dessin de RdCarneiro : http://rdcarniero.deviantart.com/
Nocturne
Première partie
"Il faisait nuit depuis un petit moment quand la silhouette du château se dessina dans la lueur de la lune.
Les deux chevaux s'avancèrent en silence puis s'arrêtèrent à la hauteur du pont-levis.
_Qui va là ?!
Une torche illumina un instant les remparts et la tête suspicieuse d'un garde à l'allure mal embouchée. L'un des cavaliers leva le nez et secoua la main.
_Deux invités du comte ! Il est au courant !
_Ah oui, c'est bon ! Passez !
Les chaînes glissèrent en grinçant et firent tomber la planche de bois qui offrit une entrée directe sur la cour intérieure. Les deux cavaliers remirent leurs équidés au pas et passèrent l'arche de pierre au bruit des sabots. Le soldat siffla entre ses dents et cracha d'un geste agacé. Cela ne l'amusait pas d'être de surveillance ce soir, le comte recevait rarement : il préférait se faire inviter. C'était nettement moins coûteux et bien plus agréable pour sa panse.
_Nous y sommes.
Les cavaliers descendirent de leurs montures et les laissèrent aux soins
des écuyers qui se pressèrent à leur rencontre. L’un des inconnus repoussa
alors la capuche qui lui couvrait le visage et souffla de soulagement. D’un
certain âge, l’homme était costaud et résistant, à la barbe finement dessinée.
Les jeunes écuyers se lancèrent des regards circonspects puis jetèrent un coup
d’œil en direction du deuxième invité qui récupérait calmement un sac de tissu
qu’il passa par-dessus son épaule. Impossible de voir à quoi il pouvait
ressembler. Rien n’était visible en dehors de son menton.
_Messieurs.
Deux gardes se mirent au-garde à
vous devant l’homme à l’âge avancé. Ce dernier se lissa le bouc, amusé.
_Monsieur
le compte vous attends. Veuillez nous suivre s’il vous plait.
L’étranger rejoignit son
compagnon en silence. Ils quittèrent la cour et entrèrent enfin dans le premier
vestibule du château. Ils y laissèrent quelques affaires avant de traverser la
pièce suivante où découlait un magnifique escalier tapissé de rouge. L’inconnu
au visage caché sembla détailler les grosses pierres des murs, les bougies et
les teintures d’un œil intéressé.
_Ah
vous voilà ! Soyez les bienvenus dans mon humble demeure !
Un homme descendit les marches,
les bras ouverts. Son visiteur barbu s’inclina bien bas, une main sur le
ventre.
_Nous sommes honorés de votre
invitation, monsieur le comte.
_Allons
allons, relevez-vous, sourit l’intéressé en s’arrêtant à sa hauteur, pas de ça
entre nous !
Le barbu se redressa alors, droit
et fier. Le comte lui tapota l’épaule comme il aurait pu le faire pour un ami
de toujours, puis croisa enfin la présence de l’étranger encapuchonné.
_Est-ce
là votre fameux compagnon ?
_En
effet sire. Pardonnez-lui de ne pas vous adresser la parole, cela fait parti de
notre protocole, voyez-vous…
_Tout
à fait, tout à fait…souffla l’homme fortune en tentant en vain de distinguer
quelque chose sous cette capuche, puis il reprit plus haut, soudain revigoré,
bien nous n’allons pas restés ainsi indéfiniment ! Je vous invite à ma
table ! Vous devez mourir de faim après un tel voyage. Ne me dites pas
non, vous m’offenseriez !…que l’on apporte leurs bagages dans l’allée des
invités, et que ça saute !
L’encapuchonné s’écarta d’un pas
quand deux serviteurs traversèrent le hall avec leurs affaires. L’un d’entre
eux s’inclina afin de lui demander le sac qu’il tenait à l’épaule, et il fut
obligé de céder après un coup d’œil de son compagnon.
On crut l’entendre soupirer de
dépit. Un soupir qui fit trembler le pauvre serviteur qui préféra rapidement
s’éloigner en prenant ses jambes à son cou, loin de cet inconnu décidément
presque effrayant de silence.
_Venez
goûter à notre célèbre terrine ! Vous m’en direz des nouvelles !
Une fois attablé, le comte espéra
voir le visage du deuxième voyageur, en vain. Légèrement agacé, il le
déshabilla du regard en le voyant découper sa viande comme si ne rien était.
Ses mains, protégées par des mitaines de cuir, ne pouvaient pas préciser le
sexe de ce phénomène, ni la cape qui lui recouvrait les épaules.
_A-t-il
au moins un nom ? demanda le seigneur, avide de renseignements, est-ce au
moins un être humain ?
Le barbu manqua de s’esclaffer
dans sa bière chaude, un large sourire aux lèvres.
_Bien
sûr sire ! Nocturne est tout ce qui a de plus humain ! Il désire
seulement garder son identité afin de faire au mieux le travail que vous allez
lui demander de faire. Comprenez, c’est comme une soupape de sécurité.
_Hum
hum…voilà bien la première fois que je vois une telle chose, mais si vous dites
que cela fait parti de son travail….nous en parlerons après le dîner, n’est-ce
pas ? n’allons pas gâcher toute cette bonne nourriture pour si peu !
Le barbu acquiesça vivement,
l’œil gourmand. Nocturne se contenta lui, de manger sans bruit.
Après ce long dîner presque
interminable, le comte eut du mal à se lever de sa chaise. Les joues rouges à
cause des litres de vin avalés, il demanda que l’on lui apporte sa meilleure
bouteille de cognac dans son petit salon privé. Un serviteur s’exécuta
rapidement, tandis que son maître s’affalait dans un gros fauteuil moelleux,
presque vulgaire dans sa manière de se tenir.
_C’est
bon, c’est bon va-t-en !…allez dégage de ma vue !
Nocturne souffla de nouveau et
bougea légèrement la tête quand le pauvre homme passa non loin de lui pour
quitter la pièce. Surpris, ce dernier ne pensa même pas répondre à ce signe
d’encouragement.
_Bien !
Nous pouvons enfin passer aux choses sérieuses ! Un verre ?
_Merci
sire, mais votre succulent repas occupe déjà tout mon estomac.
_Humf,
comme vous voulez.
Le comte se servit bien plus que
la dose normalement souhaitée et fit tourner le liquide dans son verre, le
regard vitreux. Les deux visiteurs attendirent calmement qu’il fasse son
introspection intérieure avant de boire plus de la moitié.
_C’est
simple. Je veux que vous me débarrassiez d’une épine. Une grosse épine en
vérité.
Il leur désigna un petit
parchemin enroulé d’un geste du doigt. Nocturne s’en saisit d’un geste franc.
Un geste qui surprit l’hôte des lieux.
_Alors
il pense par lui-même ? se moqua-t-il, son nectar aux lèvres.
Nocturne préféra ne pas relever
l’affront et fronça les sourcils, bien que personne ne puisse le voir. Il
tendit alors le parchemin à son acolyte qui fit la même tête en découvrant
l’identité de leur future victime.
_Le
duc de Sholer ? votre ami ?
_Ami
ami…souffla le comte, porté par l’alcool, les amitiés se font et se défont au
grès des affaires, vous savez ? et puis, il se fait vieux. Et lent.
Nocturne eut un autre soupir en
le regardant avaler le fond de son verre avec délectation.
_Il reçoit demain soir. Je suis
invité. Moi comme une dizaine d’autres abrutis. C’est là que je veux que vous
interveniez. En toute discrétion bien sûr. Rien ne doit laisser persister le
doute quant à notre marché, vous me suivez ?
Le barbu acquiesça, maintenant
plus renfermé.
_Je
veux que cela ait l’air d’un accident. Aucune effusion de sang. Il serait
malheureux que ses petites filles le voient nager dans son hémoglobine. Surtout
en cette soirée d’anniversaire.
_Cette
soirée d’anniversaire ?
_Humf
oui ! grimaça le comte en avalant presque de travers, sa cadette fête ses
21 ans. Sa majorité, vous vous en rendez compte ? Le temps passe
décidément trop vite.
Il souffla dans son cognac avant
de se resservir un troisième verre.
_Comme
prévu, je vous paye la moitié aujourd’hui, la moitié une fois sa mort déclarée.
Vous aurez même droit à un supplément si je ne suis pas soupçonné.
_Monseigneur
est trop généreux.
_Je
sais. Cela me perdra un jour…
Nocturne avança d’un pas sec,
mais son compagnon se plaça discrètement devant lui pour l’empêcher d’aller plus
loin.
_Nous
allons prendre congé sire, nous avons besoin de repos si nous devons être prêt
pour demain.
_Bien
sûr, bien sûr, faites faites. Nous nous reverrons bien assez tôt demain matin.
Les deux invités s’inclinèrent
puis quittèrent la salle au signe de tête du comte. Une jeune servante à peine
sortie de l’adolescence leur fit une révérence bien basse et les invita à la
suivre dans les méandres des étages. Le château était très souvent au trois
quart vide, le comte n’ayant quasiment aucune famille, et certains coins
n’étaient pas aussi bien entretenus que le salon privé du propriétaire.
Nocturne fit sursauter la jeune hôtesse en éternuant sous sa cape.
_Ce
n’est rien demoiselle, sourit l’ami barbu, il a pris froid sur le chemin.
_Oh,
rougit l’intéressée, peut-être monsieur désirerait-il un bon grog pour se
soulager la gorge.
_Ce
serait avec joie, merci pour lui.
La jeune fille acquiesça puis les
guida enfin vers leur chambre. Une grande chambre de deux lits à baldaquin
clairement séparé par un tapis fait d’une peau de tigre à dent de sabre.
_Cela
vous convient-il ?
_Oui,
c’est parfait. Nous n’en espérions pas tant.
_J’en
suis ravie. Je m’en vais m’occuper de votre grog monsieur. Prenez le temps de
vous installer.
_Merci
beaucoup mademoiselle. Vous êtes charmante.
L’hôtesse se remit à rougir avant
de fermer derrière elle, à la fois touchée et gênée de la déclaration de
l’homme à l’âge appuyé. Ce dernier garda le sourire puis fit tourner son épaule
en grimaçant, une fois sa cape retirée.
_Une
longue route nous attend demain encore pour rejoindre le domaine du duc.
J’espère que les chevaux seront prêts.
Nocturne se racla la gorge puis
attrapa les bords de sa capuche pour enfin dévoiler son visage. Mais on frappa
aussitôt à la porte et il fut obligé de se couvrir de nouveau.
« Votre
grog monsieur »
_Oh
qu’elle est rapide, cette petite.
L’homme barbu vint lui ouvrir et
la remercia avec un air entendu. Nocturne soupira longuement et se glissa
discrètement entre les deux personnages pour prendre le grog des mains
délicates de la jeune fille. Cette dernière, surprise par le faible contact de
ses doigts, faillit en perdre la tasse avant de se reprendre violemment, les
joues rouges.
_…merci.
Elle leva les yeux et devint
encore plus rouge lorsqu’elle perçut le ton grave de sa voix.
_Appelez-moi
si vous avez d’autre chose messires.
_Nous
ne voudrions vous déranger pendant votre sommeil, jeune demoiselle. N’ayez
crainte, nous devrions pouvoir nous débrouiller pour la nuit.
_Dans
ce cas, je vous la souhaite agréable messires. Que Séléna veille sur vous.
_Qu’elle
veuille sur vous aussi.
La lourde porte de bois se
referma sur la silhouette délicate, et les deux visiteurs se retrouvèrent enfin
seuls, à l’abri des oreilles indiscrètes.
_Quelle
charmante personne, tu ne trouves pas ? si pure et innocente…
_Et
si jeune.
Le barbu se retourna et regarda
son jeune compagnon repousser enfin la cape qui cachait si étrangement son
visage. Un sourire se dessina sur ses lèvres comme à chaque fois qu’il redécouvrait
ses traits.
_Tu
sembles déjà lui plaire, lui lança-t-il sur un ton de plaisanterie, toi et ta
voix enrouée.
_J’ai
la voix enrouée à cause de cette pluie que l’on a pris sur le chemin, et non
pas pour autre chose. Arrête de te faire des parchemins avec ton imagination
tordue, tu veux ?
Nocturne attrapa son sac et le
posa sur l’un des lits en signe d’appartenance avant de se défaire enfin de sa
cape entière. Son costume près du corps dévoila des formes bien trop arrondies
pour être celles d’un homme, des épaules musclées par des années
d’entraînement, mais un visage aux traits fins avec des yeux d’un bleu
particulièrement hypnotique.
_Tu
es une idée de comment procéder pour demain ?
_Peut-être…tu
as une préférence ?
Nocturne se passa une main dans
les cheveux qu’elle avait d’un noir aussi profond que la nuit et qui aimaient
lui caresser la nuque.
_Le
poison. Si cet imbécile veut ne pas être soupçonné, je ne vois rien de mieux
mais…Thanos ?
_Hum ?
Son ami était en train de se
battre avec ses bottes de fourrure quand il leva le nez à la prononciation de
son nom.
_Crois-tu
que tuer le duc de Sholer soit une bonne idée ? c’est un homme bon, qui a
aidé beaucoup de monde après la guerre. Pourquoi ce comte d’opérette
désire-t-il sa mort ?
Thanos fronça les sourcils puis
soupira en s’étirant les doigts de pied.
_Tu
sais que tu n’es censée te poser aucune question une fois ton contrat en poche.
C’est la première règle de notre guilde, tu te souviens ?
_Bien
sûr, mais cela ne m’empêchera pas de le faire. Crois-tu qu’il n’y ait pas
d’injustice ? c’est ce gros lard en bas que l’on devrait empoisonner, pas
un homme qui a valeureusement gagner des batailles et imposer la paix dans nos
contrées !
Thanos eut un petit sourire en se
redressant. Il lui tapota l’épaule et l’invita à boire son grog le temps qu’il
soit encore chaud.
_Cela
me désole autant que toi, mais rien ne dit que nous ferons pas attention demain
soir. Je n’ai pas non plus confiance en cet homme, alors nous prendrons toutes
les précautions nécessaires s’il le faut. Tu n’as rien à craindre..."
A suivre...