Nouvelle - Nos ancêtres les hommes
Ayé dernière partie de cette nouvelle :) oui vous pouvez souffler de soulagement à présent.
Bonne fin de lecture.
Nos ancêtres les hommes - 5e partie
J’ai baissé
les yeux, mal à l’aise. Il a eu un autre soupir et a essoré son bonnet de main
d’une main sèche.
_Cette piscine appartient à mon
père. Tu peux venir quand tu veux. Il te suffira de passer par la porte de
derrière.
_A…Attends !
Il s’est
arrêté alors qu’il contournait lentement le bassin, encore dégoulinant.
_Pourquoi…es-tu venu m’aider ?
Il a haussé
les sourcils puis s’est doucement mis à rire.
_Cherche bien.
_Mais…quoi ? Qu’est-ce que je
dois chercher ?
Je l’ai
entendu rire un peu moins fort en quittant la salle et je suis restée seule,
trempée dans mes vêtements de civile. Comment est-ce que j’allais pouvoir
rentrer à la maison ?
_Tu as vu l’heure ?! Je peux
savoir où tu étais passée ?!
_C’est bon, je suis là maintenant…
_Arrête de me parler comme à un
imbécile ! tu as vu dans quel état tu es ? d’où est-ce que tu
viens ?!
_Georges arrête de crier. C’est moi
qui lui ai autorisé à sortir.
_Que…pourquoi ?!
J’ai fermé
derrière moi et j’ai posé mon sac sous le porte-manteau. Mes parents se
disputaient déjà lorsque je me suis glissée dans la salle de bain. Je me suis
vite changée, grelottante. L’eau de la piscine n’était pas spécialement chaude.
Quand je me
suis regardée dans la glace, je n’avais rien vu de particulier. J’étais comme
d’habitude. Mais lorsque je me suis passée de l’eau sur le visage, j’ai vu mes
pupilles s’élargir brusquement.
_Wha…
J’ai écarté
les doigts. Les palmes étaient revenues. Dès que je touchais de l’eau…je me
métamorphosais…
« Elle n’a que 16 ans !
Tu imagines un peu ce qui se serait passé s’il lui était arrivé quelque
chose ?! »
« Ce n’est plus une enfant
Georges ! Cesse un peu de la materner à tout va ! »
« Tu ne te rends pas
compte ! J’étais fou à son âge ! Moi aussi je voulais aller sur
Terre. Et la preuve, ça n’est jamais arrivé ! »
_…ce n’est pas comme si tu avais
essayé.
_Que !
Mon père a
fait volte-face, les oreilles rouges. Je tenais le verre d’eau que j’utilisais
d’habitude pour me brosser les dents.
_Tu ne seras pas surprise
d’apprendre que tu es privée de sortie jusqu’à nouvel ordre, siffla-t-il en
contenant mal sa colère, et tu rentreras juste après les cours pour faire tes
devoirs. Pendant un mois.
_Non.
_Comment ça non ?!
_Non comme ça.
Je lui ai
balancé l’eau au visage. Ma mère a poussé un cri d’exclamation et s’est levée
de sa chaise. Mon père a titubé et s’est aussitôt essuyé avec frénésie. Mais
c’était trop tard. Ses yeux avaient changés.
_Vous m’avez menti…pendant tout ce
temps…
_Liana, attends…ce n’est pas ce que
tu crois !
_Je suis un monstre ! Vous avez
fait de moi un monstre !
_Non, nous avons tenté de te
protéger !
J’ai serré
les poings, mauvaise. Ma mère a soupiré, une main sur le front.
_Ça devait arriver…
_Vous êtes quoi au juste ?
qu’est-ce que je suis ?!
_…une sirène…
Je me suis
figée. Mon père s’est passé un mouchoir sur le visage et ses yeux sont
redevenus noisettes. Il m’a dévisagé dans un long soupir.
_Nous sommes…les descendants d’un
peuple que les humains ont surnommé les sirènes. Mi-homme, mi-poisson. C’était
comme ça jusqu’à ce que…jusqu’à ce qu’ils nous repoussent dans nos derniers
retranchements. Nous sommes venus ici en espérant un jour retourner sous l’eau.
J’ai fixé ma
mère. Elle s’est pincée les lèvres sans oser me regarder, les yeux rouges.
_Nous espérions…non…j’espérais …que
tu vives comme toutes les autres adolescentes de ton âge et que tu ne saches
jamais d’où nous venions.
_Comment espérais-tu me cacher une
chose pareille ?!
_Je ne sais pas ! Je…je voulais
y croire, c’est tout !
J’ai
dégluti, la gorge sèche. Il m’a semblé bien petit d’un seul coup. Et
beaucoup moins effrayant.
_J’aime nager…j’adore ça. Et j’aime
les poissons.
_Je sais…comme nous.
_Pourquoi ne pas essayer de trouver
un endroit où aller et…
_Ça ne sert à rien.
_A rien ?
J’ai ouvert
les mains en quête d’explication mais mon père a fait demi-tour d’un pas sec.
_La Terre n’est plus viable pour
nous. Les océans, les mers, les fleuves…il faudrait des siècles pour qu’ils
redeviennent comme avant. Ne te fais pas d’illusion Liana. Tu ne te feras que
du mal.
Il est entré
dans leur chambre et s’est enfermé à l’intérieur sans ajouter un seul mot. Ma
mère a eu un long soupir et s’est levée pour me prendre par les épaules.
_Laisse-lui un peu de temps…
_Mais j’ai le droit de savoir !
_Bien sûr …ton père fait ce qu’il
peut, cependant…il n’arrive pas à oublier. Tu lui ressembles beaucoup. C’est
pour ça qu’il a peur.
_Je ne veux pas devenir comme lui.
_Je sais bien. Pourquoi crois-tu que
je t’ai laissé partir là-bas ?
J’ai baissé
les yeux. Elle m’a un peu secoué puis est allée voir comment mon père se
portait. Je suis retournée dans la salle de bain pour finir de me brosser les
dents.
« Une sirène… »
J’ai regardé
l’eau filer dans le siphon et je me suis sentie soudain très fatiguée. J’ai
repensé à Samuel…comment avait-il tenu pendant toutes ces années ? nager tout
seul n’était jamais vraiment plaisant. C’était sans doute pour ça qu’il avait
tenu à m’aider. Trouver une amie pour comprendre ce qu’il était…
_…salut.
_…salut…
Le
lendemain, il est venu me voir en plein milieu du couloir, devant tous les
autres élèves du lycée. Je fermais à peine mon casier qu’il m’a tendu une carte
plastifiée.
_Qu’est-ce que c’est ?
_Un abonnement annuel à la piscine.
Comme ça, tu pourras venir autant de fois que tu veux.
_Oh…merci…
_Pas de quoi.
Il a fait
demi-tour, les mains dans les poches de son sweat bleu.
_J’ai parlé à mes parents hier
soir !
Il s’est
arrêté et m’a regardé.
_Ils…enfin…mon père a eu du mal
mais…je crois qu’il va venir avec moi…à la piscine.
_C’est cool.
_Tu voudrais venir ?
Il a haussé
un sourcil et j’ai cru bon me reprendre, fixée par plusieurs regards intrigués.
_Si je viens nager…tu…
Il m’a
franchement fait face mais je me suis sentie rougir à cause des murmures qui
commençaient à naître autour de nous.
_Je…je voulais juste te remercier.
J’ai fermé
mon casier d’un geste sec et je l’ai doublé en tenant mon sac contre moi,
gênée. Il m’a subitement attrapé par le bras et j’ai titubé sous la force de
son geste. Il m’a rattrapé et a souri quand j’ai du devenir rouge comme une
pivoine.
_J’accepte si tu viens te faire une
toile avec moi après les longueurs.
_Quoi ?…
Je l’ai
regardé et il a souri d’autant plus devant ma surprise.
_Je t’intéresse seulement parce que
je suis comme toi…ais-je murmuré en m’écartant de lui.
_Non.
Il m’a tenu
la main et m’a empêché de partir.
_Je suis entré dans le club de
natation pour une seule raison. Et quand tu l’as quitté, j’ai cherché à
comprendre. Combien avais-je de chance que tu aimes l’eau autant que moi ?
quasiment aucune ! Alors maintenant que je sais…ne t’attend pas à ce que
je te laisse partir comme ça.
J’ai
dégluti, mal à l’aise.
_Il te suffit de dire oui tu
sais ?
_Mais…je ne sais pas. Ça ne fait que
24 heures que je connais la vérité…
_Et toute une vie pour apprendre.
J’irai sur Terre un jour…j’aimerai que tu viennes avec moi.
J’ai
écarquillé les yeux.
_Nager avec les poissons dans
l’océan Indien…comme dans nos rêves. Ça ne te plairait pas ?
J’ai
acquiescé sans oser répondre. Il s’est contenté de me serrer la main et de
m’entraîner jusqu’en classe où tout le monde nous a regardé sans dire quoique
ce soit.
Cette main-là…je l’ai toujours dans la mienne aujourd’hui, alors que je regarde ces poissons, ces soles et ces coraux vivrent sous mes yeux. L’eau est si claire et si chaude, bercée par les rayons d’un soleil rougeoyant…je nage et voyage en suivant le courant qui m’entraîne toujours plus loin…loin de la terre des hommes…