Lune Bleue - 9 -
Bon bah...toute gênée que je suis maintenant....(ça m'apprendra à gueuler tiens...ahum) je vous propose la suite, un morceau que j'apprécie particulièrement. Sachez par ailleurs que j'ai écrit la 200e page hier...donc en gros, vous n'êtes pas couchés :p (si tenté que je poste les 200 pages aussi, on peut toujours rêver : un éditeur qui passe par là par exemple *sifflote)
Allez, bonne lecture à vous, en espérant que cela vous plaise ^^ (un morceau un peu long, désolée, car je ne me voyais pas couper avant. Rassurez-vous, c'est surtout du dialogue)
Il a pris place face à l’écran et s’est enfoncé dans le
fauteuil, soudain assommé par le manque de sommeil. J’ai attrapé la
télécommande, nerveuse, et j’ai mis le film en route.
_Tu as
l’heure ?
_Euh…18h47.
_Non
idiot, me suis-je moquée en actionnant l’avance rapide, l’heure à laquelle je
t’ai réveillé la nuit dernière ?
_Ah une
heure du matin et des poussières.
_Ok.
Je suis resté appuyée sur un genou, concentrée. Flack a
caché un bâillement tandis que je suivais l’entrée et sortie des quelques
habitués venus prier en secret.
_Tu
devrais rentrer chez toi.
_Non
c’est bon.
Il a combattu la fermeture de ses paupières en croisant
les bras pour se tonifier un peu.
_Flack,
va retrouver Viviane, tu ne tiendras pas. Et puis si j’étais toi, je ne
passerai pas une nuit de plus en dehors du domicile conjugal.
_Tu
t’inquiètes pour mon mariage toi maintenant ?
Je l’ai regardé de biais et il a souri en se massant une
épaule.
_T’as
peut-être raison… mais ça ne me dit rien de te laisser seule avec cet
enregistrement.
_Pourquoi,
tu crois qu’on va faire des choses immorales ? je ne suis pas une fille
facile tu sais, même avec un premier cd.
Il a secoué la tête en levant les yeux au ciel.
_Grosse
maligne
_Je sais, je m’entraîne tous
les jours.
Il s’est remis debout et a vérifié sa montre avant de me
regarder penchée ainsi devant l’écran.
_C’est
bon papa, je te promets de faire attention, ais-je plaisanté en modifiant ma
voix, rentre chez toi et embrasse Lucas. Il a bien le droit de voir son père
avant d’aller dormir.
_….d’accord…mais
tu m’appelles si tu as du neuf, compris ?
_Oui oui
compris. Allez, dégage.
Je lui ai jeté sa veste et il a lourdement soupiré en
quittant la pièce. Il m’a regardé une dernière fois à travers la vitre et a
disparu sans plus de cérémonie, visiblement préoccupé.
Je suis restée seule dans la pièce et j’ai pris mes aises
pour être tranquille.
« Je
te tiens mon salaud…allez montre-toi… »
Je suis arrivée à peu près à l’heure donnée par Flack et
je suis passée à allure normale, les yeux balayant l’écran au moindre pixel.
_Ah !
Minuit quarante et une. La moto que j’avais remarqué sur
place est arrivée et un homme en capuche en est descendu.
« Bordel
si j’avais su…je lui aurai crevé les pneus à ce connard »
Il est entré dans l’église aussitôt après et plus rien n’a
bougé pendant les trois quart d’heure suivant.
« D’après
Flack je l’ai réveillé à une heure du matin…ça veut dire que le père m’a appelé
quoi…cinq minutes avant ça ? donc le gars à la capuche était là quand
Mulosky a composé mon numéro…peut-être que c’est ce qui l’a effrayé et l’a
poussé à l’étrangler »
Je suis restée peu convaincue par mes propres réflexions.
Ma voiture s’est dessinée sur l’écran et a tout de suite attiré mon attention.
Je conduisais un peu vite car mes pneus étaient presque montés sur le trottoir
sans même que je m’en rende compte.
« Il
est resté plus d’une demi-heure seul dans ce bâtiment après avoir énuclée
Pierre Mulosky. Pourquoi ? »
Flack est arrivé sept minutes après moi et douze minutes
plus tard, l’homme à la capuche est ressorti pour démarrer en trombe avec sa
moto et disparaître au coin de la rue. Deux minutes encore après, Flack
apparaissait. Il s’est élancé en direction du coffre de sa voiture puis a fait
demi-tour, ainsi armé de son extincteur. Pendant ce temps, je priais pour ne
pas mourir brûlée vive.
J’ai figé l’image, à la fois pensive et perplexe. Soit ce
gaillard m’attendait, soit il cherchait quelque chose de précis.
Toc toc
« Diane ?
je peux entrer ? »
_Bien
sûr.
Alain a passé une tête puis a souri en présentant deux
plateaux japonais emplis de sushi jusqu’à ras-bord.
_Je me
suis dis que tu avais peut-être faim.
_Oh oh
quelle bonne idée ! Tu sais me prendre par les sentiments toi !
_Des
années d’expérience, se moqua-t-il en tirant une chaise pour prendre place,
c’est quoi le film ?
_Vidéo
surveillance de l’église. Mais je n’ai rien appris de plus de ce que je savais
déjà. Et toi le boulot à la morgue ?
Il a ouvert son plateau tandis que je séparais mes
baguettes, affamée.
_Comme
d’habitude. Mes patients sont du genre silencieux, alors je passe le temps
comme je peux. Jazz, rock, blues…musique orientale.
J’ai eu un sourire en avalant mon premier sushi. Alain m’a
observé un petit moment puis a commencé son dîner en hésitant sur sa première
bouchée.
_Sinon,
ton affaire, ça avance ?
J’ai bu une gorgée avant de soupirer.
_Oui et
non…j’avance d’un pas pour en reculer de deux. A chaque fois que j’ai une
piste, elle finit en coup de vent. Et je n’arrive pas à comprendre ce que
cherchait ce type.
J’ai repris la télécommande pour engager une marche
arrière et m’arrêter pile sur cette silhouette qui sortait de l’église en
sautant par-dessus les marches. Alain a avalé une crevette et s’est approché de
l’écran en plissant des paupières.
_A voir
le saut, je dirai que ce gars est un sportif…entre 20 ou 30 ans…et il a du
souffrir d’une blessure à l’épaule gauche.
_Tu vois
tout ça à travers la vidéo ?
Il s’est redressé et m’a fait une démonstration en levant
un bras.
_Quand il
l’écarte pour stabiliser son équilibre, le gauche n’est pas en équation avec le
droit. Comme s’il ne pouvait pas le lever plus, sans doute bloqué par son
articulation. Soit on lui a déboîté l’épaule, soit elle a été écrasé à un
moment ou à un autre de son existence.
_D’accord,
mais il existe des centaines d’hommes comme lui.
_Je te
dis juste ce que je peux voir, c’est tout.
J’ai eu un sourire désolé et il est revenu s’asseoir en
face de moi. Il a ouvert un petit pot de sauce et a plongé une crevette dedans
avec des yeux pétillants d’appétit.
_Alain
dis-moi…je peux te poser une question ?
_Bien
sûr.
J’ai un peu hésité en triturant un beignet de poisson avec
le bout de mes baguettes.
_Comment
tu as réagi quand tu as découvert…que tu étais différent ?
_Hum ?
pourquoi tu me demandes ça maintenant ?
_Je ne
sais pas je…j’essaye de comprendre ce qu’un jeune sorcier peut ressentir à 20
ans.
Il a levé les yeux, la bouche pleine.
_Wes 20
wans datent de vingt ans justement, dit-il en déglutissant au fur et à mesure,
ça remonte loin. Tu penses que ce type en est un ?
_Je me le
demande…si le père Michel n’était pas l’Inquisiteur, alors qui a dessiné ce
pentagramme inversé sur le perron de l’église ?
Il s’est figé, les sourcils froncés.
_Un
pentagramme inversé ? tu ne m’en as pas parlé !
_Je le
fais là.
Il a baissé ses baguettes, maintenant agacé.
_Tu n’es
pas entrée dans l’église en sachant ça j’espère ?
_Bien sûr
que si. Je n’avais pas le choix, je le soupçonnais d’être l’assassin.
_Diane !
Cela aurait pu te tuer !
_Mais
non, ce n’était pas assez puissant ! Ça m’a juste…paralysé la nuque.
_Oh c’est
pas vrai…
Il s’est brutalement levé en se passant une main sur la
bouche. J’ai eu un soupir en sentant le savon arrivé.
_Si j’ai
promis à Baba de garder un œil sur toi, ce n’est pas pour rien ! Tu as des
responsabilités !
_Des
responsabilités ? lesquelles ?
_Celle de
rester en vie déjà ! Tu es la dernière des Mac Pherson ! Tu tiens
vraiment que le savoir de toute ta famille disparaisse avec toi ?!
J’ai haussé les sourcils, choquée.
_Parce
que c’est la seule chose à laquelle tu penses en me voyant ?!
_Bien sûr
que non ! je…je veux juste te faire comprendre que de rouler des
mécaniques ne te protégera pas de ce genre de malade ! il contrôle le feu
je te signale !
_Non, il
utilise du sel amplifié. J’ai glissé dessus et c’est ça qui m’a brûlé la main.
Il a froncé les sourcils, les poings sur les hanches.
_Du sel
amplifié ? peu de gens savent s’en servir…
_Sans
être initié oui. Mais toi et moi, nous connaissons le stratagème et ce type
aussi. Il a soufflé une incantation pour l’embraser, c’est grâce à ça que j’ai
pu me protéger à temps.
_Une
incantation…de quelle genre ?
_Silencieuse.
Il s’est redressé, maintenant perplexe.
_Tu n’as
pas utilisé tes facultés devant lui j’espère ?
_Non tu
penses. Flack était juste derrière. Pourquoi, tu penses à quelque chose de
précis ?
_…cela
pourrait être un adepte. Un adepte doué qui n’a sans doute jamais rencontré une
vraie sorcière pour agir aussi sottement.
_J’y ai
déjà pensé. Mais ça n’a pas de sens par rapport à Anna. C’était l’une des
nôtres, même si elle n’était pas encore au courant…et tu vois l’Inquisition
tuer un prêtre ?
Il s’est rassis en fixant l’écran par dessus mon épaule.
_Tu n’as
pas tord…il y a quelque chose de pas logique entre ces deux meurtres.
_Mulosky
a du voir quelque chose qu’il ne fallait pas pour qu’on lui arrache les yeux.
Tu l’as dit toi-même, ce type est un adepte de la mise en scène. Ce que j’ai du
mal à comprendre, c’est pourquoi il est resté plus d’une demi-heure après avoir
commis son acte.
_Il
t’attendait peut-être.
_Dans ce
cas, il a été très maladroit car je suis restée sept minutes seule avec lui, à
en croire le timing de la vidéo. Il aurait eu tout le temps de m’attaquer,
surtout dans cette église plongée dans le noir.
_Hum…ça
n’a aucun sens.
J’ai fini mon plateau de sushi puis j’ai laissé mes
baguettes dessus, décidée. Il m’a regardé attraper mon blouson avec scepticisme.
_Qu’est-ce
que tu fais ?
_Je vais
aller faire un tour, ce laps de temps m’intrigue trop ! Merci pour le
dîner, c’était délicieux.
_Eh…eh
non pas question ! je viens avec toi !
J’ai éteint l’écran en récupérant le disque de
l’enregistrement.
_Tu es médecin
légiste Alain, pas flic assermenté. Tu n’es pas affilié au travail sur le
terrain.
_J’ose
espérer que tu plaisantes ? J’ai 15 ans de métier, tu ne m’empêcheras pas
de t’accompagner. Et puis j’imagine que tu y vas officieusement. Comme
d’habitude.
J’ai eu un sourire amusé en le dépassant pour quitter la
salle, une fois le plateau jeté à la poubelle.
_Tu me
connais trop.
_Certains jours, j’ai
des doutes.